Création de salarié, la Cour d’appel de Paris rappelle les règles !

La question de la titularité des droits d’auteur attachés à une création peut s’avérer épineuse et dommageable pour une entreprise lorsqu’un salarié revendique sa paternité et donc le bénéfice des droits qui y sont attachés (droits de reproduction, représentation, etc.).

Tel a été le cas de la société COMPTOIR DES COTONNIERS au sujet d’un modèle de baskets vintage de sa collection Printemps-Eté 2015.

En effet, postérieurement à la commercialisation et au dépôt de dessins et modèles portant sur les baskets litigieuses, le styliste et salarié de la société a revendiqué la qualité d’auteur du modèle et a notamment demandé au juge du fond d’ordonner la cessation de toute fabrication, reproduction, représentation, exploitation et communication au public du modèle de basket ainsi que l’allocation de dommages et intérêts au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux et moraux.

La société s’est opposée à ces demandes et a alors avancé le rôle prédominant de sa Directrice du style à laquelle était rattaché le salarié pour exclure sa qualité d’auteur.

Ce litige a donc été l’occasion pour la Cour d’appel de Paris de rappeler les règles applicables en la matière.

La Cour a précisé que le droit d’auteur « est gouverné par le principe de la protection d’une œuvre, sans formalité, du seul fait de la création d’une forme originale. Il incombe toutefois, à celui qui entend se prévaloir du droit d’auteur et des attributs qui lui sont attachés, de rapporter la preuve d’une création déterminée à une date certaine et de caractériser l’originalité de cette création.

Il doit être à cet égard précisé que l’existence d’un contrat de travail n’est pas exclusive de la protection par le droit d’auteur et le salarié est investi des droits de propriété incorporelle institués au bénéfice de l’auteur pour peu qu’il ait fait œuvre de création en conservant sa liberté et sans que les choix esthétiques opérés ne lui aient été imposés par l’employeur ».

Ainsi, si le salarié peut revendiquer le bénéfice de droits d’auteur sur une œuvre créée dans le cadre de son contrat de travail, encore faut-il qu’il ait joui d’une liberté certaine dans le processus créatif !

Dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour s’est donc livrée à une analyse exhaustive du processus de création et de validation des modèles de la société pour déterminer la liberté laissée à son styliste dans le cadre de son travail.

A cet égard, les juges ont tout d’abord retenu que « c’est sous le contrôle à tout le moins la supervision » de la Directrice du style dont le rôle était « de donner au styliste une direction » que le salarié agissait. Ils ont ensuite relevé les demandes de modification formulées par l’employeur à la suite d’un examen du modèle proposé par son service juridique. La Cour a enfin retenu le fait que le salarié se référait à l’ensemble de l’équipe de style de la société pour obtenir l’approbation des fruits de son travail.

Compte-tenu de ces éléments, les juges ont considéré que l’autonomie créatrice du salarié était alors restreinte et qu’il ne parvenait donc pas à établir sa titularité des droits d’auteur sur les baskets litigieuses.

Cette affaire nous rappelle l’attention à porter aux créations des salariés pour assurer et protéger les intérêts tant du salarié que de l’employeur pour une meilleure sécurité juridique de l’activité commerciale ou industrielle (formalisation du processus créatif, cession régulière des droits d’auteur, etc.).

Décision : Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, 5 mars 2021, n°19/17254

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