La dématérialisation des assemblées générales et réunions organes dirigeants

Durant la période de pandémie, le gouvernement a mis en place des mesures d’urgence portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales permettant ainsi leur dématérialisation.

Si ce régime dérogatoire a permis de démocratiser la participation à ces réunions par tous moyens de télécommunication et le vote en ligne, ce dispositif, prorogé à plusieurs reprises, a cependant pris fin avec l’état d’urgence sanitaire le 31 juillet 2022.

Il convient donc de revenir, depuis cette date, à l’application du droit spécial des sociétés.

 

I/ Rappel des règles

Réunir physiquement les associés ou les membres d’un organe collégial n’est, en principe, pas une obligation. Aussi, ces derniers peuvent participer et voter à une assemblée en utilisant les moyens actuels de télécommunication.

Le vote en séance par télétransmission doit être distingué du vote à distance (anciennement appelé vote par correspondance), qui peut aussi s’exercer par télétransmission mais qui est reçu par la société avant l’assemblée et ne permet donc pas de participer aux débats.

La participation aux assemblées – et réunions d’organes dirigeants – par l’utilisation de moyens de télétransmission est ouverte à toutes les formes de sociétés. Dans tous les cas, sous peine de nullité des délibérations, ces possibilités sont à prévoir dans les statuts ou, pour les conseils d’administration ou de surveillance, par le règlement intérieur.

 

FormeDispositions légales applicablesExceptions légales au recours à la télé ou visioconférenceDroit d’opposition au recours à la télé ou visioconférence
Sociétés civilesAbsence de disposition légaleNéantLiberté statutaire
SARLL. 223-27 C.com.– Comptes annuels, comptes consolidés et rapport de gestion du groupe

– Usage par les associés du droit d’opposition

Les statuts peuvent prévoir un droit d’opposition à l’utilisation de ces techniques au profit d’un nombre déterminé d’associés et pour une délibération déterminée
SASL. 227-9 C.com.– Augmentation, amortissement, réduction du capital

– Fusion, scission, dissolution

– Transformation

– Nomination de commissaire(s) aux comptes

– Comptes annuels et affectation du résultat

Liberté statutaire
SAAGL. 225-103-1 C.com.– Si les statuts l’interdisent

– En cas d’AGE : usage par les associés du droit d’opposition

– Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent s’opposer au recours exclusif à ces moyens pour la tenue de l’AGE

– Les statuts déterminent si le droit d’opposition s’exerce préalablement ou postérieurement à la convocation

CAL. 225-37 C.com.– Si les statuts l’interdisent

– Opérations de clôture d’un exercice

– Comptes annuels, comptes consolidés et rapport de gestion du groupe

Dans les conditions éventuellement prévues au règlement intérieur
CSL. 225-82 C.com.– Si les statuts l’interdisent

– Garanties accordées par la société

Dans les conditions éventuellement prévues au règlement intérieur

 

II/ Dispositifs techniques

Le Code de commerce exige seulement que les procédés de télécommunication utilisés garantissent au minimum :

  • Une transmission de la voix (téléphone, visio) ;
  • La retransmission continue et simultanée des délibérations.

La réunion pourra ainsi se tenir :

  • En visioconférence, qui permet aux associés ou actionnaires, par le réseau internet ou par le réseau téléphonique, d’apparaître sur un écran dans la salle où se tient l’assemblée ; impliquant que l’ensemble des participants disposent d’un ordinateur équipé d’une webcam et d’un micro
  • Par des moyens de télécommunication permettant l’identification des participants à la réunion à distance étant précisé que, dans les SARL, il est expressément prévu l’identification au moyen d’un code fourni préalablement à la tenue de l’assemblée.

En cas de quorum exigé, la preuve de la participation des associés pourra être apportée au moyen d’une capture d’écran en cas de visioconférence ou d’un enregistrement de l’ensemble de la réunion.

Par ailleurs, lorsqu’une société autorise statutairement de voter en séance par des moyens électroniques :

  • Cette dernière sera tenue d’aménager un site internet exclusivement dédié (C.com. art.
    223-20-1 et R. 225-61),
  • L’accès audit site ne sera permis aux participants qu’après identification au moyen d’un code fourni préalablement à la séance (C.com. art. R. 223-20-1 et R. 225-98).

Enfin, dans un souci de sécurisation juridique, il devra être fait mention dans le procès-verbal de réunion :

  • Du recours aux moyens de télécommunication pour la réunion ;
  • De la survenance de tout incident technique ayant perturbé le déroulement de la séance.

Il peut également être envisagé la ratification par la prochaine assemblée en présentiel des décisions prises de manière dématérialisée.

 

III/ Actions à envisager

La dématérialisation des réunions d’assemblées générales et des organes dirigeants constitue une avancée pratique importante.

Néanmoins, la possibilité de participer et de voter par des moyens de télétransmission ne peut être mise en œuvre que si les statuts le prévoient. Aussi, dans le cas contraire, il convient d’amender les statuts de la société intéressée par ce procédé.

Il en va de même pour les réunions de Conseil d’administration ou de surveillance, dont le règlement intérieur devra organiser les modalités de la participation de ses membres à distance.

En l’absence de dispositions statutaires (ou de règlement intérieur) autorisant expressément le recours, la visioconférence n’est pas possible et la comptabilisation des personnes participant à la réunion à distance pourra entacher de nullité les délibérations adoptées si le nombre de présents physiquement n’était pas suffisant pour atteindre le quorum ou la majorité.

Outre les interdictions légales de recours à la télé ou visioconférence, les statuts (ou le règlement intérieur) pourront également soit en interdire l’utilisation, soit en limiter l’usage à certaines décisions.

Enfin, les clauses introduites dans les statuts ou le règlement intérieur pourront permettre d’anticiper certaines difficultés techniques que soulève ce procédé – notamment en l’absence de retransmission de l’image – telles que l’identification de l’associé participant ou encore la confidentialité des débats.

En conséquence, une attention particulière devra être portée à la rédaction de ces dispositions pour permettre, ensuite, d’apprécier au cas par cas l’opportunité d’utiliser ou non ces nouvelles possibilités.