Lettre d’information – Droit social
Retour sur les décisions jurisprudentielles incontournables de ce 1er trimestre 2021
La possibilité pour l’employeur de réclamer le remboursement des jours de repos supplémentaires en cas de privation d’effet d’une convention individuelle de forfait en jours
En l’espèce, un salarié signe une convention individuelle en jours puis est licencié pour faute grave.
Considérant que sa convention individuelle de forfait en jours est privée d’effet puisqu’il n’a pas bénéficié des garanties prévues par la convention collective (entretien et document de contrôle du nombre de jours travaillés), il engage une procédure afin de contester son licenciement et demander le paiement d’heures supplémentaires.
L’employeur quant à lui sollicite le remboursement des jours de repos supplémentaire dont a bénéficié le salarié.
Au visa de l’article 1376 du Code civil disposant que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû oblige à le restituer à celui de qui il l’a indument perçu », la Cour de cassation considère que les jours de repos supplémentaires sont la contrepartie directe de la convention de forfait annuel en jours.
Par conséquent, si la convention individuelle de forfait en jours est privé d’effet, les jours de repos supplémentaires qui en découlent n’ont pas à être octroyés et sont indus.
Cass. soc., 06 janvier 2021, n°17-28.234, Publié au bulletin
L’impossibilité de licencier un salarié qui relate des faits de discrimination, sauf en cas de mauvaise foi ; laquelle résulte de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce
Le Code du travail prévoit comme sanction la nullité du licenciement intervenu à l’encontre d’un salarié pour avoir témoigné des agissements de discriminations ou pour les avoir relatés.
En l’espèce, un salarié adresse – au président du groupe et à son supérieur hiérarchique – un courrier indiquant qu’il fait l’objet de discrimination en raison de son origine. Il est ensuite licencié pour faute grave, l’employeur lui reprochant de proférer des accusations de discrimination en raison de son origine dont il avait conscience du caractère fallacieux. Le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale pour contester son licenciement.
La Cour d’appel, à l’appui d’indices permettant d’exclure de l’existence de faits de discrimination, ce que le salarié ne pouvait ignorer, a débouté ce dernier de ses demandes.
La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel en rejetant le pourvoi du salarié, indiquant que « le salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».
Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-21.138, Publié au bulletin
Un salarié licencié avant la signature d’un accord collectif peut bénéficier rétroactivement des avantages conventionnels contenus dans l’accord
En l’espèce, un salarié est licencié pour faute grave et formule diverses demandes devant la juridiction prud’homale dont l’application d’un accord d’entreprise, prévoyant des avantages de nature salariale, conclu postérieurement à son départ mais avec un effet rétroactif antérieur à son licenciement. Le salarié obtient gain de cause.
La cour de cassation indique que la circonstance que le salarié ne faisait plus partie du personnel à la date de signature de l’accord n’était pas de nature à le priver du bénéfice des avantages salariaux institués prévus par l’accord d’entreprise pour la période antérieure à la cessation du contrat de travail.
Elle précise qu’une convention ou un accord collectif, même dérogatoire, ne peut priver un salarié des droits qu’il tient du principe d’égalité de traitement pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de l’accord.
Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-20.736, Publié au bulletin
Un simple avertissement n’est pas suffisant pour sanctionner l’auteur de harcèlement sexuel
En l’espèce, une salariée est victime de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique et développe un syndrome dépressif pris en charge au titre des accidents du travail. Le salarié auteur des faits est sanctionné d’un avertissement. La salariée décide de saisir la juridiction prud’homale pour obtenir la résiliation de son contrat de travail.
Pour les juges, l’employeur n’a pas pris aucune mesure pour éloigner l’auteur du harcèlement du poste occupé par la salariée et s’est contenté d’un avertissement ; de sorte qu’il soit à l’origine d’un manquement à son obligation de sécurité suffisamment grave pour empêcher la poursuite de son contrat de travail.
Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-18.149, Inédit
Une transaction rédigée en termes généraux met fin aux obligations liées à la clause de non-concurrence, même si le protocole transactionnel n’y fait pas expressément référence
En l’espèce, une salariée a signé un contrat de travail stipulant une clause de non-concurrence. Elle est licenciée et régularise une transaction ; laquelle indique que les concessions réciproques sont réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif et que les parties renoncent à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit.
Toutefois, la salariée demande la mise en œuvre de la clause de non-concurrence. L’employeur refuse en invoquant l’autorité de la chose jugée.
La cour d’appel fait droit à la demande de la salariée considérant que l’employeur n’a pas levé la clause de non-concurrence et que la transaction ne fait pas référence à ladite clause.
Or, la Cour de cassation estime quant à elle que les obligations réciproques liées à la clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la transaction.
Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-20.635, Publié au bulletin
Les lettres de recherche de reclassement n’ont pas à préciser notamment l’âge, la formation, l’expérience, la qualification ou l’ancienneté des salariés concernés par un licenciement économique
L’article L. 1233-4 du Code du travail dispose que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisé.
En l’espèce, une société met en œuvre une procédure de licenciement économique. A ce titre, elle recherche les postes de reclassement disponibles au sein du groupe auquel elle appartient ; en vain. Les licenciements sont notifiés et certains anciens salariés contestent la procédure de recherche de reclassement mise en œuvre par l’employeur pour remettre en cause leur licenciement.
La cour d’appel donne raison aux salariés relevant que l’employeur s’était contenté de lister les postes de travail supprimés au sein de l’entreprise en indiquant leur intitulé et leur classification dans les lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et considère que les lettres de recherche de reclassement sont valables et n’ont pas à préciser l’âge, la formation, l’expérience, la qualification ou l’ancienneté.
Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-11-114, Publié au bulletin
L’employeur n’a pas l’obligation d’indiquer par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement d’un salarié inapte lorsque ce dernier a préalablement refusé une proposition de poste de reclassement
L’article L. 1226-12 du Code du travail dispose que l’employeur dans l’impossibilité de proposer un emploi au salarié fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.
En l’espèce, un salarié victime d’un accident du travail est déclaré inapte à son poste de travail. L’employeur lui propose des offres de reclassement que le salarié refuse ; de sorte qu’il est licencié pour inaptitude compte tenu de l’impossibilité de reclassement. Le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale.
Pour la cour d’appel et la Cour de cassation, l’employeur a l’obligation de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s’opposent au reclassement, lorsqu’il est dans l’impossibilité de lui proposer un autre emploi. L’employeur n’est pas débiteur de cette obligation dans l’hypothèse où il a proposé des postes de reclassement conformément aux dispositions légales.
Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-21.263, Publié au bulletin
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