Lettre d’information juridique sportive – Août 2020 N°71

Contentieux sportif : obtenir la suspension d’une décision fédérale devient de plus en plus difficile !

En cas de contestation d’une décision fédérale ou d’une ligue par un club ou un sportif, il est possible de demander au juge, outre l’annulation de la décision, de suspendre ses effets pendant la durée du contentieux.
Pour ce faire, il faut faire une procédure de référé et démontrer d’une part un grief sérieux qui doit permettre au juge d’annuler la décision, d’autre part, une situation d’urgence.

Evidemment, si la décision a été exécutée avant que le juge ne statue, le recours est irrecevable car il n’y a plus lieu à suspension. Si la décision devient exécutée en cours d’instance, le juge considère qu’il n’y a plus lieu à statuer puisqu’encore une fois, la demande de suspension n’a plus d’objet.
Ces règles viennent d’être appliquées par le Conseil d’Etat dans le cadre d’un contentieux engagé par un club A qui contestait la perte par pénalité d’un match de championnat ayant opposé deux autres équipes B et C, le résultat de cette décision ayant pour effet de réattribuer les points du match à l’équipe B, laquelle du coup, se trouvait en tête du championnat en lieu et place de A.

Le club A demandait donc la suspension de la décision fédérale, se voyant privé de la montée en division supérieure.
Le Conseil d’Etat ne lui a pas donné satisfaction. Il est venu lui dire, ce qui est une jurisprudence habituelle, que les clubs tiers ne sont pas recevables à contester directement les résultats d’une rencontre sportive à laquelle il n’a, par hypothèse, pas participé.
Puis, et c’est la nouveauté, la Haute Juridiction a décidé que le litige n’avait plus d’objet si au moment où le juge statue le championnat avait commencé. Dès que la première journée du championnat a débuté, la décision fédérale doit être considérée comme entièrement exécutée selon le juge. C’était le cas dans le litige examiné par le Conseil d’Etat de sorte que le club A a vu sa requête rejetée.

Il faudra donc désormais faire très vite à l’intersaison pour contester les décisions qui prononcent une rétrogradation ou un refus d’accession, car dès que le championnat a recommencé la décision est considérée comme exécutée.
Il restera au Club A seulement la possibilité d’obtenir réparation s’il vient à démontrer l’illégalité de cette décision. Mais en tout cas, plus question de montée.

CE, 1er juillet 2020, n°433079, Association Union Sportive des Clubs du Cortenais

Dopage : A qui doivent être notifiées les décisions de sanctions prononcées par l’Agence Française de lutte contre le dopage ?

Une affaire incroyable a vu un joueur de rugby de Pro D2, suspendu pendant 2 ans par l’Agence Française de lutte contre le dopage (AFLD), prendre part à des matches de son club depuis la date de sa notification. Il a ainsi joué 5 rencontres.
La Fédération de rugby vient de notifier au club un refus de ré-affiliation compte tenu de cette situation.
Tout le monde se renvoie désormais la balle, sans qu’on sache très bien pour l’instant à qui seront attribués les torts.

Il faut savoir que les décisions de l’AFLD sont notifiées au sportif, à sa fédération nationale, à la fédération internationale, à l’agence mondiale antidopage, au ministère des sports et le cas échéant à l’organisation antidopage étrangère dont relèverait le joueur en fonction de sa nationalité.
Le club prétend donc ne pas avoir été informé de la sanction laquelle ne lui est effectivement pas notifiée. C’est cependant peu vraisemblable car il a été informé initialement des poursuites et surtout parce que la sanction a été publiée sur le site internet de l’Agence. En outre, tout club est responsable des joueurs qu’il inscrit sur la feuille de match et doit donc s’assurer qu’ils sont bien qualifiés pour joueur.

Le joueur peut n’avoir rien dit de la sanction au club. Il aurait alors manqué à son obligation de loyauté envers son employeur. Ce qui devrait lui valoir une procédure de licenciement pour faute grave. Il sera aussi convoqué à nouveau par l’AFLD pour non-respect de la sanction dont il faisait l’objet et encourra une nouvelle suspension.
Quant à la Fédération, elle parait s’être désintéressée de la question alors qu’elle est destinataire de la décision de l’AFLD. Il lui appartenait sans doute d’informer le club des sanctions ainsi prononcées. C’est son rôle. Elle ne l’a pas assumé ici ce qui pose question. Les fédérations vont-elles se montrer désormais passives au regard du dopage dont le législateur vient de leur retirer la responsabilité disciplinaire ? Ce cas incite à réfléchir à une meilleure diffusion des sanctions pour l’effectivité de celles-ci.

(Communiqué de l’AFLD du 19 août 2020 consultable sur le site de l’Agence)

Peut-on se promener à Marseille revêtu du maillot du PSG ?

C’est la question que posait la décision du Préfet des Bouches du Rhône qui avait pris un arrêté interdisant à tout personne se prévalant de la qualité de supporter du PSG de circuler dans une partie de Marseille le dimanche soir de la finale de la Ligue des Champions. L’arrêté concernait tout signe laissant penser que la personne supportait le PSG (maillot, banderole, écharpe, etc).
Cet arrêté a été vite retiré, son auteur s’étant probablement rendu compte que la mesure ainsi prise serait annulée par le juge.
Si elle pouvait se trouver fondée sur le trouble possible à l’ordre public, des incidents ayant déjà eu lieu à Marseille au moment de la demi-finale entre le PSG et Leipzig le mardi précédent, en revanche, elle n’était pas proportionnée à la situation en raison de son caractère général et absolu.
Elle portait ainsi une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et ne venir de personnes se prévalant de la qualité de supporter du PSG, qu’il s’agisse de simples fans ou de véritables supporters. De plus, il n’était pas certain que la mesure atteigne son but qui était louable, maintenir le calme et assurer la sécurité des supporters qui suivront ce match.
Mais cette situation a de quoi inquiéter pour le maintien de nos libertés essentielles.

(Le Parisien, Nicolas Berrod, le 21 août 2020)

Faire évoluer la structure de mon club : pourquoi pas la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) ?

Les SCIC sont des sociétés d’un type particulier qui prennent la forme d’une SARL, SA ou SAS à capital variable. Inscrites au registre du commerce et des sociétés et soumises à l’impôt sur les sociétés, elles mettent en avant la coopération entre les associés d’une part et l’intérêt collectif du projet sociétaire d’autre part.
L’utilisation d’une SCIC pourrait favoriser des synergies convergentes en faveur du projet sportif par l’action des acteurs locaux autour du club. Cette forme sociale permet en effet d’associer des personnes physiques ou morales, de droit privé ou de droit public, autour d’un projet commun.
En effet, une SCIC doit obligatoirement associer :

  • des salariés (sportifs et administratifs du club) ;
  • des bénéficiaires (supporters, fournisseurs, bénévoles, collectifs de toute nature…) ;
  • et un troisième type d’associé qui varie selon les ambitions et le projet de la coopérative (entreprises privées, collectivités territoriales, partenaires…).

La SCIC interdit à un même associé de détenir plus de 50 % des titres de la société comme c’est le cas dans les clubs allemands par exemple.
Depuis la loi du 31 juillet 2014, les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent devenir associés et détenir jusqu’à 50 % du capital d’une SCIC.
En conséquence, les clubs sportifs constitués sous forme de SCIC peuvent associer en capital les collectifs de supporters, les salariés et les collectivités locales du territoire où le club est implanté.
Au sein des SCIC, la coopération se traduit par une mise en réserve obligatoire des excédents en fin d’exercice : au moins 57,5 % des bénéfices doivent être affectés aux réserves impartageables qui ne pourront qu’être réinvesties dans l’activité (ce taux peut être porté à 100 % par décision de l’assemblée générale).
La SCIC pourrait donc à l’avenir devenir un nouveau modèle d’organisation des clubs, qui devraient alors procéder à la transformation de l’association en SCIC. Le club de football de Bastia qui évolue cette saison en championnat National a déjà opté pour cette forme juridique nouvelle.

BREVES 

Des exonérations de cotisations sociales pour les clubs employeurs

Une exonération totale de cotisations sociales est applicable aux clubs employeurs de moins de 250 salariés. Ces derniers doivent exercer leur activité principale dans le secteur du sport au titre de la période d’emploi comprise entre le 1er février 2020 et le 31 mai 2020.
Les cotisations concernées sont les cotisations de sécurité sociale, d’assurance chômage, la contribution de solidarité pour l’autonomie et la contribution pour au Fond national d’aide au logement.
Pour vérifier l’application de ce dispositif à votre club, n’hésitez pas à nous contacter.

(Loi de finances rectificative pour 2020 n°2020-935 du 30 juillet 2020, art. 65 et Décret n°2020-1103 du 1er septembre 2020 relatif aux cotisations et contributions sociales des entreprises, des travailleurs indépendants et artistes-auteurs affectés par la crise sanitaire)

 

Vous avez des questions ? Adressez votre mail à notre équipe :

Thierry CHIRON : thierry.chiron@legiconseils.com

Lucille COULON : lucillecoulon@legiconseils.com